Disparités salariales des aides-soignants en EHPAD selon les régions

1 400 euros à Marseille, 1 700 à Lille : une même blouse blanche, deux réalités de portefeuille. Entre le Sud où l’on serre la ceinture et le Nord où la fiche de paie respire un peu plus, le métier d’aide-soignant en EHPAD ne se conjugue décidément pas à l’unisson. Derrière la porte de chaque établissement, le salaire se joue parfois à trois chiffres près, comme une loterie silencieuse qui n’a rien d’anodin pour celles et ceux qui veillent sur nos aînés.

Comment expliquer que le cœur et la fatigue ne soient pas cotés au même tarif selon la région ? Ce grand écart ne tombe pas du ciel : il découle de choix politiques, de priorités budgétaires, et parfois d’une reconnaissance qui varie à la vitesse d’un TER régional. Pour les aides-soignants, ces différences se traduisent en euros… et en sentiment d’injustice, face à un métier qui réclame partout la même abnégation.

Comprendre les écarts de salaire des aides-soignants en EHPAD : un état des lieux national

La réalité salariale des aides-soignants en EHPAD dessine un paysage inégal. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : dans les établissements publics, le salaire brut mensuel moyen plafonne à 1 700 euros, primes incluses. Côté privé à but lucratif, la rémunération moyenne s’affaisse à 1 550 euros, avant prise en compte des primes. La fameuse prime Ségur a certes relevé le niveau dans le secteur public, mais son attribution reste aléatoire dans le privé, où chaque établissement joue sa propre partition.

Le secteur médico-social – mosaïque d’EHPAD publics, privés et associatifs – est traversé par des conventions collectives qui n’ont rien d’uniforme. Résultat : d’une région à l’autre, l’écart de salaire brut pour un poste identique peut dépasser 300 euros. L’Île-de-France et la région PACA caracolent en tête, portées par la tension sur le marché du travail et les prix qui s’envolent. À l’autre bout du spectre, dans le Centre-Val de Loire ou le Limousin, les rémunérations stagnent tout en bas de la grille.

  • Secteur public hospitalier : salaire moyen brut de 1 700 euros
  • Secteur privé à but lucratif : salaire moyen brut de 1 550 euros
  • Primes et indemnités : montant variable selon l’établissement et la localisation

La fonction hospitalière garde un petit avantage, consolidé par les accords Ségur. Pourtant, malgré ce coup de pouce, la difficulté à fidéliser les aides-soignants persiste, surtout dans les zones où la concurrence entre établissements ne laisse aucun répit. Les inégalités de traitement, selon la région ou le statut de l’établissement, minent l’attractivité du métier et fragilisent tout l’édifice du soin aux personnes âgées.

Pourquoi certaines régions paient-elles mieux que d’autres ?

Le grand écart salarial n’a rien d’un hasard météorologique. Il répond à une logique solide : la pression sur le marché de l’emploi joue les arbitres. En Île-de-France, par exemple, la pénurie de soignants et le coût de la vie poussent les établissements à ouvrir davantage le portefeuille pour ne pas perdre la course au recrutement. Même scénario en Provence-Alpes-Côte d’Azur, où la concurrence entre structures et le prix de l’immobilier tirent les salaires vers le haut.

  • Les tarifs d’hébergement varient fortement, permettant parfois aux EHPAD urbains ou situés en zones touristiques de redistribuer une partie des recettes sur les fiches de paie.
  • La caisse nationale de solidarité pour l’autonomie adapte ses financements aux besoins locaux, accentuant parfois les différences de traitement.

La structuration du secteur a aussi son mot à dire. Là où les EHPAD publics dominent, les conventions collectives protègent mieux les salaires, et l’application des primes est quasi systématique. En revanche, dans les régions où le privé règne en maître, la logique de gestion diffère : la négociation individuelle prend le pas, et les aides-soignants ne sont pas toujours gagnants.

Autre variable : le reste à charge familial. Dans les régions où les familles peuvent davantage financer l’hébergement, les établissements disposent d’une marge de manœuvre appréciable pour revaloriser les salaires. Ailleurs, chaque euro compte et la latitude pour augmenter la fiche de paie s’évapore rapidement.

Zoom sur les territoires où les disparités sont les plus marquées

La Guadeloupe sort du lot avec des salaires bruts qui dépassent régulièrement ceux de la métropole. Là-bas, la difficulté à recruter, l’éloignement et le coût de la vie obligent les établissements à proposer de meilleurs revenus pour espérer attirer des aides-soignants. À l’opposé, la Bretagne affiche des rémunérations parmi les plus basses : la prédominance des établissements à but non lucratif et la moindre tension sur le marché de l’emploi expliquent ce calme plat sur les fiches de paie.

La nature de l’établissement joue aussi. Dans les grandes agglomérations, la présence massive d’EHPAD privés à but lucratif pousse à une politique salariale offensive. En zone rurale, les établissements médico-sociaux publics se tiennent aux grilles nationales, sans grande marge de discussion individuelle.

  • En Guadeloupe, une aide-soignante peut toucher plus de 2 000 euros brut par mois.
  • En Bretagne, la rémunération médiane plafonne à 1 700 euros brut, primes comprises.
  • Dans les Alpes-Maritimes, la concurrence privée et le prix de l’immobilier tirent les salaires vers le haut.

La force du lien familial, particulièrement marquée dans certaines régions, limite parfois le recours aux EHPAD, ce qui réduit la capacité des établissements à jouer sur la variable salariale. D’un département à l’autre, la démographie, les dynamiques locales et la structure du secteur dessinent une France des salaires à géométrie variable, où l’équité reste un horizon lointain.

aides-soignants régions

Quelles pistes pour réduire les inégalités salariales entre régions ?

Combler le fossé des écarts de salaire demande plus qu’une rustine sur le système. Les accords Ségur santé, lancés en 2020, ont donné un coup d’accélérateur, mais leur application reste inégale, prise dans la maille des particularismes régionaux et des statuts d’établissement.

Les conventions collectives du privé, souvent en retrait par rapport à la fonction hospitalière, aggravent la fracture. Uniformiser les négociations de branche serait un pas décisif : même base salariale, mêmes droits, partout sur le territoire. Il faudrait aussi garantir le versement automatique de la prime Ségur, sous la vigilance de la DGCS et des ARS.

  • Faciliter la validation des acquis de l’expérience pour accélérer la progression de carrière et l’augmentation salariale.
  • Mettre en place des incitations ciblées dans les régions sous tension, en mobilisant la CNSA pour ajuster les financements là où le besoin se fait sentir.

La qualité de vie au travail ne doit pas rester le parent pauvre des politiques RH. Des conditions attractives, au-delà du salaire, peuvent fidéliser les équipes et casser la spirale du turnover. Ce n’est qu’en coordonnant les efforts, du sommet de l’État jusqu’au moindre village, qu’on pourra espérer voir la carte des salaires des aides-soignants en EHPAD perdre enfin ses montagnes russes. Le jour où la vocation ne se heurtera plus à la géographie, le soin prendra, partout, le visage de la justice.